Philippe Busquin: Moins d'animaux dans l'évaluation de médicaments grâce à la recherche européenne, Conférence de presse, Bruxelles, 12 mai 2003

May 13, 2003

Bruxelles, 12 mai 2003

Mesdames et Messieurs,

J'ai le plaisir de vous présenter aujourd'hui le résultat d'une collaboration européenne fructueuse en recherche et développement dans un domaine qui concerne à la fois la sécurité des consommateurs et la protection animale.

Ce travail est une illustration de notre engagement pour soutenir le développement de tests alternatifs aux expérimentations animales. Nous visons à réduire le nombre d'animaux utilisés et leur taux de souffrance tout en préservant les normes de sécurité pour les citoyens.

L'interdiction décidée récemment des expérimentations animales pour les produits cosmétiques et les demandes de tests dans le cadre de la nouvelle politique chimique augmentent l'importance et l'urgence de cette recherche.

La Commission intervient à deux niveaux:

  • Le soutien de cette recherche par le financement prévu dans les programmes cadre de recherche. Jusqu'à ce jour, la Commission a financé ce type de recherche à hauteur de €65 millions.

  • La validation scientifique au plan européen des nouveaux tests développés. Cette validation est pilotée par l'ECVAM dont la compétence mondialement reconnue facilite la recherche d'un consensus international pour l'utilisation de tests alternatifs.
Le projet présenté aujourd'hui concerne l'utilisation d'animaux dans l'évaluation de nouveaux produits pharmaceutiques. Il est une bonne illustration de la valeur ajoutée de cette double approche communautaire: soutien financier de la recherche et validation scientifique.

Le cas des pyrogènes, lié à la contamination de certains lots de médicaments injectables par des substances susceptibles de provoquer des accès de fièvre, est apparu voici une centaine d'années, quand Paul Ehrlich, prix Nobel de médecine, a mis au point le Salvarsan, premier traitement de la syphilis.

A l'époque, il représentait une formidable avancée médicale. Toutefois, le nouveau médicament ne pouvait être administré par voie orale et devait donc être injecté.

Depuis lors, l'injection de médicaments est devenue une pratique médicale courante. Il arrivait cependant que des patients pris par la fièvre développent des complications inflammatoires parfois mortelles. On a vite compris que c'était dû à une contamination bactérienne. Bien que stérile, le lot de médicaments contenait des micro-organismes inactifs qui provoquaient une réaction immunitaire, qui pouvait se retourner contre le patient.

Pour résoudre ce problème, une phase d'expérimentation animale a été introduite dans toutes les pharmacopées jusque dans les années quarante, au cours de laquelle on utilisait des lapins pour observer les réactions fébriles éventuelles après une injection.

Aujourd'hui encore, en Europe, quelque 200 000 lapins par an sont soumis à ces tests pour un coût annuel d'environ 250 millions d'euros.

Quand l'immunologie moderne est parvenue à élucider les principes de la réaction fébrile humaine, plusieurs tests alternatifs sur les pyrogènes basés sur ces mécanismes ont été proposés: ils utilisent la cellule humaine, le monocyte sanguin qu'on voit sur la photographie. Celle-ci reconnaît les pyrogènes dans l'organisme et les traduit en médiateurs de la fièvre, lesquels de nos jours peuvent être mesurés avec beaucoup de précision.

Afin d'évaluer si ces essais peuvent remplacer définitivement l'expérimentation sur le lapin, une étude de validation a été entreprise. Elle s'est achevée récemment.

Dans le cadre d'une étude menée en étroite collaboration entre la DG Recherche et le Centre de validation des méthodes alternatives du CCR, les six alternatives les plus prometteuses ont été soumises à une optimisation.

Les résultats positifs de ces travaux, présentés aujourd'hui pour la première fois, attendent à présent d'être approuvés au terme d'un examen indépendant par le Comité scientifique consultatif de l'ECVAM, pour entrer ensuite dans la phase d'application réglementaire par la "Pharmacopocia" et l'intégration dans les lignes directrices ISO.

L'étude a été menée conjointement par quatre autorités réglementaires, des partenaires industriels (un groupe pharmaceutique important, une PME qui développe des kits de diagnostic et un centre de transfert technologique) ainsi que des universités. Il convient de noter que la " European Pharmacopocia " s'est associée à ses propres frais dès le début à ces efforts.

C'est grâce au financement européen que le consortium a pu réunir de l'expertise venant de 6 pays différents. Le cycle complet de la recherche dans le laboratoire, passant par l'optimisation du test jusqu'à la validation a pris tout juste trois ans, ce qui atteste l'efficacité du consortium.

Les résultats de l'étude démontrent que tous les essais ont des résultats supérieurs en termes de sensibilité et de reproductibilité que ceux basés sur le lapin.

Par rapport à l'expérimentation animale, ces essais sont moins coûteux, ils offrent des résultats quantifiés et plus performants. L'étude a démontré qu'ils remplissent les conditions requises comme substituts à l'expérimentation animale, avec des mérites différents pour chaque protocole expérimental.

En outre, les essais offrent de nouvelles opportunités, que ne permettait pas, jusqu'à présent, l'expérimentation sur les lapins. Par exemple, il est possible aussi de tester des matériaux solides comme des implants et instruments médicaux ou des thérapies cellulaires.

Parmi ces derniers, on peut citer les nouveaux traitements faisant intervenir des cellules-souches ou des cellules génétiquement modifiées ainsi que des organes artificiels; les thérapies cellulaires traditionnelles comme la transplantation de moelle osseuse ou les transfusions sanguines peuvent aussi être contrôlées pour la première fois au moyen de ces nouvelles techniques.

Avec une production annuelle de plus de 10 millions d'unités de sang pour la transfusion en Europe, cela représente un nouveau champ d'application énorme pour assurer la sécurité des consommateurs.

Récemment, il est apparu que l'inhalation de pyrogènes présente aussi un risque pour les poumons et les voies respiratoires. Ce mécanisme semble être lié à des affections pulmonaires chroniques associées à certains lieux de travail ainsi qu'à la maladie des grands ensembles, qui désigne le phénomène provoqué par certains bâtiments dont les habitants souffrent de migraine, de fatigue et d'autres symptômes non spécifiques. Les opportunités offertes par les nouveaux essais, qui permettent pour la première fois de quantifier la charge de ces toxines dans l'air respiré, commencent seulement à être explorées.

Sur cette belle image du " biocapteur " utilisé dans les essais, le monocyte sanguin humain, je voudrais conclure en remerciant la contribution de plus de 50 scientifiques qui ont travaillé pendant trois ans. L'utilisation des animaux pour tester les médicaments est malheureusement nécessaire à la protection de la santé humaine.

Nous pouvons cependant réduire, remplacer et raffiner l'expérimentation animale, grâce à la recherche parrainée par l'Union européenne, qui se doit d'être en première ligne dans cet effort à l'échelle planétaire.

La validation au niveau européen de ces nouvelles méthodes d'essais encouragera leur large diffusion dans l'industrie, garantira la sûreté et la qualité des médicaments, et réduira le recours à l'expérimentation animale.

C'est un exemple de l'Espace européen de la recherche en action, pour mettre en place un environnement où les résultats scientifiques peuvent être exploités rapidement et transformés en produits et procédés qui améliorent la qualité de la vie, renforcent la compétitivité et favorisent la protection animale.

DN: SPEECH/03/236 Date: 12/05/2003

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