Commissaire Philippe Busquin: La mobilité des chercheurs : un défi crucial pour réussir l’espace européen de la Recherche Conférence « Fuite ou circulation des cerveaux »

July 1, 2004

Paris, Cité des Sciences et de l’Industrie, 30 juin 2004

Conférence « Fuite ou circulation des cerveaux »
Paris, Cité des Sciences et de l’Industrie, 30 juin 2004

Je tiens tout d’abord à remercier le Président de la Cité des Sciences et de l’Industrie d’avoir pris l’initiative de mettre sur pied cette conférence sous le titre « Fuite ou circulation des cerveaux : de nouveaux enjeux ».

Cette conférence arrive à un moment déterminant de notre réflexion et de nos travaux en vue de développer une stratégie intégrée et cohérente permettant de doter l’Union européenne des ressources humaines capables d’affronter les enjeux politiques, économiques et technologiques qui se profilent à l’horizon.

Il existe aujourd’hui en Europe une véritable prise de conscience politique quant au rôle des ressources humaines dans la mise en œuvre de l’Espace européen de la Recherche, et de la réussite des objectifs de Lisbonne et de Barcelone. Et ceci, tant sur le plan quantitatif que qualitatif.

Sur le plan quantitatif, l’Europe souffre d’un retard indiscutable sur ses principaux concurrents. A titre d’exemple, la proportion des chercheurs au sein de la population active est aujourd’hui de 5 pour mille en Europe contre 8 pour mille aux Etats-Unis et 9 pour mille au Japon. Notre objectif est de porter rapidement le chiffre européen à 8 pour mille, dans le contexte notamment des efforts qui seront consentis pour réussir l’objectif « 3 % ».

Sur le plan qualitatif, le constat montre que dans de nombreux pays, les systèmes en place, qui se réfèrent parfois à des traditions séculaires, semblent peu propice à promouvoir le développement des carrières dans la recherche. La structuration des carrières, surtout au niveau des jeunes chercheurs, ne favorise guère l’indépendance scientifique. Le cheminement au sein de la carrière est souvent perçu à travers un prisme étroit qui couvre l’ensemble des éléments qui déterminent une carrière dans la recherche, du recrutement à l’avancement, en passant par l’évolution des salaires, la gestion des années sabbatiques ou le régime des pensions.

Il s’agit de systèmes où la mobilité physique n’est guère encouragée, et peut même parfois encore être considérée comme pénalisante, en termes notamment d’avancement dans la carrière ou de portabilité des droits en matière de pensions ou de sécurité sociale.

Cette rigidité nuit gravement également à l’émergence de passerelles entre le monde académique et le monde de l’entreprise (ce qu’on désigne habituellement par la « mobilité intersectorielle »), qui constitue l’une des grandes faiblesses actuelles du système européen.

Le cloisonnement actuel des structures constitue dès lors l’une des menaces qui pèsent le plus lourdement sur l’attractivité de l’Union européenne. Le vrai enjeu de l’attractivité – et à travers elle, de la compétitivité future de l’Union - sera dès lors notre capacité à promouvoir des conditions et des perspectives de carrière qui inciteront les chercheurs à venir ou à rester travailler en Europe. C’est ce que la Commission a voulu signifier, en lançant, en concertation étroite avec les Etats membres et les acteurs du monde de la recherche, toute une série d’actions concrètes.

Sur le plan, tout d’abord, du renforcement de la politique de soutien de l’Union à la formation, la mobilité et le développement des carrières des chercheurs, les actions Marie Curie du 6ème programme-cadre de recherche représentent pour la première fois, avec plus de 1,7 milliards d’€, près de 10 % du budget global du programme cadre, soit une augmentation de plus de 70% du montant des aides par rapport au programme-cadre précédent.

Ces actions sont structurée autour de trois grands axes: une extension des opportunités tout au long de la carrière des chercheurs ; une ouverture systématique des actions aux chercheurs d’autres parties du monde ; une prise en compte, quasi systématique elle aussi, des aides au retour.

Ces actions ont connu dès le premier appel à propositions un engouement extraordinaire, avec plus de 4.300 projets déposés pour l’année 2003, débouchant sur la signature d’environ 850 contrats, qui représentent eux-mêmes quelque 54.000 personnes-mois d’opportunités de financement. Ces données traduisent deux considérations fondamentales : d’abord, qu’elles ont été bien comprises par la communauté scientifique ; ensuite, que l’élément de mobilité physique qu’elles impliquent participe bien au besoin de liberté qui caractérise l’essence même du chercheur.

En même temps, l’énorme engouement pour les actions Marie Curie ne peut pas occulter un certain sentiment de frustration devant le très grand nombre d’excellents projets qui ne pourront être financés. Cette constatation ne peut que renforcer ma détermination d’en appeler à tous les acteurs du monde de la recherche, au niveau communautaire, international et national, pour renforcer de manière considérable le soutien financier aux activités de recherche, et, en particulier, les actions en faveur de la formation, de la mobilité et du développement de carrière des chercheurs.

Sur le plan de la mobilité, ensuite, l’intense travail de coopération qui s’est développé entre la Commission, les pays membres et les pays associés au 6ème programme-cadre a permis la conception et la mise en œuvre d’une véritable stratégie en matière de levée des obstacles à la mobilité.

Le portail européen sur la mobilité des chercheurs, lancé en juillet 2003, renvoie aujourd’hui à plus de 3.000 sites, et intègre en permanence des centaines d’offres d’emplois.

De la même manière, le réseau européen des centres de mobilité, qui sera officiellement lancé tout à l’heure, regroupera 200 centres chargés de fournir une assistance de proximité aux chercheurs et à leurs familles dans toute question concernant leur vie dans leur pays d’accueil.

De manière plus symbolique encore, la coopération qui a émergé entre les services responsables pour la recherche et des affaires intérieures, au niveau tant national qu’européen, a conduit la Commission à adopter, en mars 2004, une proposition de directive et deux recommandations destinées à faciliter de manière significative l’entrée des chercheurs non européens au sein de l’Union. Indépendamment des effets tangibles que ces actes auront sur la circulation effective des chercheurs en Europe, c’est la philosophie même de ces dispositions, qui fait dépendre l’accès des chercheurs étrangers (et donc leur mobilité) directement de la qualité de leur projet scientifique qui constitue l’attrait majeur de ces propositions.

Enfin, au niveau du troisième grand chantier que nous avons mis en place, celui de la valorisation des carrières, l’année 2004 devrait voir l’adoption de deux recommandations de la Commission portant l’une sur la Charte européenne du chercheur, destinée à faciliter la gestion des carrières dans la recherche, et l’autre sur un Code européen pour le recrutement des chercheurs au niveau européen.

Beaucoup de ces mesures, il convient de le souligner, touchent à des domaines qui relèvent de la compétence des Etats membres.

L’urgence d’aboutir à des progrès tangibles dans ces domaines, liée à la perception des enjeux politiques que représentent les processus de Lisbonne et de Barcelone, a cependant permis que des progrès significatifs soient réalisés, par des contributions volontaires, à travers la méthode ouverte de coopération.

Malgré l’ampleur de la tâche, et l’urgence des actions à mener, la dynamique qui s’est installée devrait s’étendre à l’avenir. L’Union, nous le savons, devra former rapidement quelque 700.000 chercheurs supplémentaires pour remplir les objectifs politiques qu’elle s’est fixée pour la fin de la décennie.

C’est la raison pour laquelle, au sein des Perspectives financières esquissées pour après 2006,  et en tablant sur une augmentation significative du budget global de la recherche, les futures actions en faveur de la mobilité et du développement de la carrière des chercheurs devraient à nouveau bénéficier d’une impulsion importante, structurée autour d’un certain nombre d’axes-clés, telles que la formation initiale des chercheurs (par un soutien plus résolu à la structuration des formations, notamment transnationales et transdisciplinaires) ; le transfert des connaissances et des technologies ; la mobilité intersectorielle ; et la formation tout au long de la vie.

De la même manière, le renforcement des ressources humaines de la recherche constituent l’une des six actions prioritaires des Orientations pour la politique de soutien à la recherche de l’Europe, que la Commission a adopté le 16 juin dernier.

L’ensemble des actions qui ont été décrites ci-dessus font partie dès lors d’un continuum qui vise à offrir à l’ensemble de ces actions un véritable encadrement stratégique. C’est ainsi, par exemple, que les réflexions de ce jour sur les carrières, et notamment les perspectives d’aboutir rapidement au lancement de la Charte et du Code de conduite dont il a été question plus haut, seront poursuivies et amplifiées au cours d’une conférence organisée par la Présidence néerlandaise de l’Union, les 29 et 30 septembre prochains à La Haye, sur le thème : « Circulation des cerveaux : les instruments ».

Enfin, et afin d’accréditer davantage encore le rôle déterminant des chercheurs dans l’évolution de la société, j’ai le plaisir d’annoncer que la Commission lancera, en 2005, une vaste action de sensibilisation grand public intitulée « Chercheurs en Europe ».

Toutes ces actions, qui contribuent à forger, au niveau européen, à travers des perspectives de carrière fondées sur une meilleure prise en compte des différentes formes de mobilité, se rejoignent en fin de compte autour d’un même enjeu central, difficile mais déterminant pour le futur de la compétitivité européenne : celui de créer un véritable marché du travail pour les chercheurs au niveau européen.

C’est son avènement qui déterminera, à terme, la véritable valorisation de la profession du chercheur en Europe, et, à travers lui, les nouveaux espaces de la liberté scientifique en Europe.

Je vous remercie de votre attention.

Item source: SPEECH/04/341 Date: 30/06/2004

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