Philippe Busquin: La dimension régionale de l'Espace Européen de la Recherche et le Rôle des Régions, Conférence de Milan 21-22 octobre 2002

十月 22, 2002

21-22 octobre 2002

Monsieur le Président, Madame le Ministre,

Mesdames, Messieurs,

Je voudrais tout d'abord vous remercier d'organiser cette conférence sur la dimension régionale de la recherche, un an après après la Communication que la Commission européenne a publié sur ce thème. Je me félicite du nombre et de la qualité des personnes présentes aujourd'hui, qui témoignent de l'intérêt et du dynamisme des acteurs régionaux pour la recherche et l'innovation.

Cette conférence me donne l'occasion de vous présenter les perspectives de la recherche pour l'Europe dans son ensemble, et pour l'ensemble des régions d'Europe.

Pourquoi construire un Espace européen de la Recherche?

Le Conseil européen de Lisbonne de mars 2000 a fixé un objectif à l'Union européenne: devenir l'économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde d'ici 2010. Dans cette perspective, sur ma proposition, les Chefs d'Etat et de Gouvernement ont placé au premier rang des priorités la création d'un Espace européen de la Recherche intégré qui avait été proposé par la Commission, sur mon initiative, en janvier 2000.

Pourquoi ai-je pris cette initiative? Parce que l'Europe souffre de sa fragmentation dans le domaine de la recherche. 85% des budgets publics de recherche sont gérés au niveau national ou régional, le plus souvent sans coordination. Il en résulte une mauvaise affectation des ressources, des duplications inutiles ou au contraire des lacunes au niveau européen, qui sont dommageables pour toutes les régions européennes et peut-être surtout pour les régions les moins développées.

Je ne propose pas de tout gérer au niveau européen, mais de mener des politiques nationales et régionales concertées de façon que les fonds consacrés à la recherche en Europe soient employés d'une manière efficace.

L'importance de la recherche pour la compétitivité et la prospérité des régions n'est plus à démontrer. En Europe, d'une manière générale les régions les plus prospères sont aussi celles qui ont le potentiel financier et humain de recherche le plus élevé et les meilleures capacités pour transformer ce potentiel en activité économique.

Un des exemples des plus frappants est l'Ile de France qui consacre à la R&D 3,5% de son PIB régional et près de 3% de sa population active. Il y a beaucoup d'autres exemples surtout en Allemagne et aux pays nordiques. Mais je me réjouis de me trouver aussi dans une région aussi exemplaire que la votre, puisque la Lombardie fait partie des "Quatre moteurs" avec les régions de Rhône-Alpes, Catalogne et Bade-Württemberg, quatre régions qui ont toutes une intensité de R&D nettement supérieure à la moyenne de leurs pays, et qui ont l'avantage comme vous le savez d'avoir mis en place un partenariat très poussé.

Avec 1,4% de son Produit régional brut consacré à des investissments en R&D, la Lombardie est la région leader en ce domaine en Italie. Il est possible de faire encore mieux puisque les régions les plus avancées d'Europe atteignent plus de 4%. La Lombardie peut compter sur un fort potentiel de recherche universitaire et industriel, qui lui donne des atouts de niveau international dans certains domaines tels que l'électronique, la chimie-pharmacie, l'ingénierie.

Elle a l'expérience des Centres d'Excellence et des Universités lombardes qui s'efforcent de construire des liens permanents et fructueux avec le tissu productif régional, les RITTS (Infrastructures et stratégies regionales pour le transfert d'innovation et de technologie) des provinces de Milan et de Mantoue, l'expérience des quatre Business Innovation Centres qui opèrent sur le territoire régional, le projet transnational Matrend promu par l'Agence de Développement du Nord de Milan (Agenzia di Sviluppo Nord Milano).

Mais il y a des disparités considérables en Europe. Le total des dépenses de recherche varie entre les Etats membres de 0,5% du PIB national à 3,85%, soit un facteur 7. Les écarts entre les pays ont eu tendance à se réduire sous l'effet notamment de la politique communautaire de cohésion, mais les différences entre les régions au sein d'un même pays ont eu plutôt tendance à s'accentuer. Par exemple, en Italie, l'intensité de recherche varie de 0,17% du PIB dans le Val d'Aoste à 1,67% dans le Piémont, soit un facteur 10. Sur plus de 200 régions en Europe, sept réalisent à elles seules plus d'un quart des dépenses de R&D de l'Union. Les écarts sont encore plus prononcés si l'on inclut les pays candidats qui commenceront à rejoindre l'Union à partir de 2004.

Dans ces conditions, il ne faut pas que les politiques de recherche conduisent à accentuer encore plus les écarts entre les régions. C'est ce qui se passerait si la recherche européenne restait fragmentée. Dans cette hypothèse, l'argent irait principalement aux « grandes régions » de recherche et ne bénéficierait qu'à elles seules, à cause de la fragmentation. Au contraire, dans une Europe vraiment intégrée il y aura des flux et des effets d'entraînement qui seront bénéfiques pour toutes les régions.

Mon objectif est donc de créer une dynamique d'intégration, de croissance et de progrès pour la recherche européenne, dont toutes les régions doivent bénéficier.

Une dynamique fondée sur l'excellence

Le fondement de cette politique est l'excellence. L'excellence est un mot qui fait peur à certains acteurs, à certaines régions. C'est un tort. Toutes les régions ont des atouts, des domaines d'excellence sur lesquels elles doivent adosser leur développement. Plusieurs régions bénéficient d'une forte tradition de recherche universitaire, qui peuvent leur procurer des atouts de niveau international dans des domaines tels que les biotechnologies, la protection et la valorisation des biens culturels, ou même les nouvelles technologies de l'information.

Avec l'espace européen de la recherche, je veux encourager les régions à valoriser leurs forces, pas à maquiller leurs faiblesses. Comme la politique européenne de recherche consiste à promouvoir des réseaux pan-européens, toutes les régions bénéficient de cette alliance de leurs forces, et pas seulement les régions les plus développées.

Cet effet positif est déjà visible dans les programmes de recherche européens actuels. La sélection des projets est fondée exclusivement sur l'excellence: il n'y a pas de critère de cohésion. Et pourtant, le 5e programme-cadre de recherche a eu un effet positif sur la cohésion . En 2000, par exemple, les quatre pays dits « de la cohésion » (Grèce, Espagne, Irlande et Portugal) ont représenté 16% des participations des Etats membres aux contrats du 5e programme-cadre alors qu'ils n'hébergent que 11% des chercheurs de l'Union. L'avantage est encore plus flagrant en termes financiers: 13% des contributions communautaires est allé vers ces pays alors que leur part des dépenses de recherche ne représente qu'environ 5% du total de l'Union.

Ainsi, en joignant leurs forces ces pays bénéficient de la politique fondée sur l'excellence, y compris en termes de cohésion.

Ces bénéfices se retrouvent bien sûr au niveau régional car un grand nombre d ' organisations et des entreprises des régions moins centrales participent à des projets transnationaux du 5e programme-cadre, avec un effet bénefique considérable.

Le prochain programme-cadre ira plus loin dans la voie de l'excellence, avec les nouveaux grands projets intégrés et réseaux d'excellence qui visent à réunir les meilleurs en Europe dans les domaines concernés. Ma conviction est que ces nouveaux instruments profiteront encore bien davantage que les projets communautaires actuels à l'ensemble des régions.

La mobilisation doit donc venir de la base: les entreprises, les acteurs locaux, les régions. C'est pourquoi la dimension régionale de l'espace européen de la recherche est tellement importante.

Objectif: 3%

Pour développer cette dynamique, j'ai proposé un objectif mobilisateur pour l'Union: augmenter l'effort de recherche pour arrriver en moyenne à 3% du PIB en 2010. Le Conseil européen de Barcelone en mars dernier ainsi que la Commission il y a un mois, viennent d'entériner cet objectif, qui concerne tous les pays et toutes les régions. Il ne s'agit pas d'arriver tous à 3% en 2010 il s'agit d'une moyenne mais de lancer une dynamique de croissance à laquelle tous doivent participer.

L'objectif devra être atteint principalement par un effort accru des entreprises, qui devraient arriver à financer en moyenne 2/3 de la R&D, comme aux Etats-Unis et dans les pays les plus avancés de l'Union, au lieu des 55% actuels.

Pour l'Italie, qui consacre aujourd'hui 1% de son PIB à la recherche, cette dynamique européenne impliquerait d'arriver à 1,6% du PIB en 2010 - et pour les entreprises italiennes de passer de 45% du financement aujourd'hui à 55% en 2010.

La région de Lombardie fait partie du peloton de tête des régions en Europe, avec 2.850 mio d'euros d'investissements annuels en R & D, ce qui représente pratiquement le quart des investissements totaux de l'Italie ( 11.524 mio pour toute l'Italie). Il est notable que les trois quarts environ de ces investissements soient financés par les entreprises, la part du secteur public et des centres de recherche publique étant à l'inverse relativement modeste.

Bien sûr l'Union contribuera à lancer et à entretenir cette dynamique de croissance. Il s'agit de rendre l'Europe de la recherche plus attirante pour les investisseurs: c'est à dire, faire de l'espace européen de la recherche un espace d'opportunités, fondées sur l'excellence européenne. La promotion de cette excellence européenne est le coeur même de mon projet, avec trois grandes dimensions:

  • Promouvoir l'excellence de la recherche: la Commission a lancé pour cela un exercice de cartographie de l'excellence en Europe. Bien entendu, le 6e programme-cadre sera aussi un instrument très important pour promouvoir l'excellence de la recherche européenne.

  • Promouvoir l'excellence des politiques de recherche: la Commission a engagé pour cela un processus de benchmarking des politiques nationales, ainsi qu'une "coordination ouverte" avec les Etats membres pour encourager l'ouverture mutuelle et la coordination des programmes nationaux, et pour lever les obstacles à la mobilité des chercheurs.

  • Promouvoir l'excellence des opportunités d'innovation: Je suis en train d'initier pour cela un travail de fond avec les Etats membres pour améliorer les mécanismes de financement de la recherche et de l'innovation, les mécanismes de protection de la propriété intellectuelle, et les voies de coopération entre la recherche académique et les universités.
Soutenir l'effort des régions

Je suis convaincu que la première étape indispensable pour soutenir l'effort des régions, c'est de leur faire prendre conscience de l'importance de la recherche, et de leur faire connaître les opportunités offertes par l'Europe. Cet événement d'aujourd'hui y contribue et j'en suis reconnaissant aux autorités régionales de la Lombardie.

Mais naturellement, nous ne nous arrêtons pas là. Il y a des opportunités très concrètes offertes par le programme-cadre de recherche. J'en parlerai plus en détails dans quelques instants.

Il y a aussi des mesures conçues spécifiquement pour aider les régions à tirer parti de ces opportunités. De plus en plus de régions européennes mènent en fait leur propre politique de recherche avec leurs propres programmes. Dès lors, l'action de l'Union vise à faire tendre ces activités et initiatives vers des objectifs communs. La politique de recherche européenne vise notamment à encourager la formation de réseaux inter-régionaux, qui permettent aux régions de valoriser pleinement leur potentiel, non seulement sur la scène locale et nationale, mais aussi sur la scène européenne et mondiale.

Ces mesures spécifiques mettent à profit conjointement les instruments de la politique de recherche et les nouvelles initiatives des fonds structurels en faveur de l'innovation et du développement régional.

Ainsi, ces mesures sont de deux types:

  • D'une part, un soutien aux régions pour aider leurs organismes et leurs entreprises à participer aux activités du programme cadre de recherche;

  • D'autre part, un soutien aux régions pour améliorer structurellement leur participation à l'Espace européen de la recherche. Je pense, par exemple, aux actions de prospective technologique régionale, aux actions pour améliorer la communication entre les experts et les décideurs politiques régionaux, ou encore aux actions régionales de soutien aux transferts de technologie transnationaux.
Je donnerai quelques exemples concrets:
  • Dans le domaine des ressources humaines, le 6 e programme-cadre offrira des "primes de retour et de réintégration" aux chercheurs pour faciliter leur retour dans leur région d'origine.

  • En coopération avec la politique régionale, il sera possible de réduire la charge financière de participants situés dans les zones éligibles à l'objectif 1, avec un financement des fonds structurels supplémentaire au soutien du programme-cadre de recherche.

  • Troisième exemple, des soutiens sont aussi prévus pour la mise en réseau et la coordination des programmes exécutés dans les Etats membres, y compris au niveau régional (initiative ERA-NET). Ces soutiens devraient permettre par exemple de promouvoir entre autres, les synergies entre régions avancées et régions de l'Objectif 1.
Ces mesures ne forment bien sûr qu'une première étape. D'autres mesures pourront être prises dans les années qui viennent pour valoriser encore mieux la dimension régionale dans l'espace européen de la recherche.

Le nouveau programme-cadre: opportunités régionales

Vous allez débattre du 6 e programme-cadre de recherche d'une manière approfondie au cours de cette journée. Je me limiterai donc à vous en rappeler les grandes lignes afin de faire ressortir en quoi, à mon avis, les régions y joueront un rôle fort.

Comme vous le savez, le 6 e programme-cadre de recherche est constitué de trois blocs d'activités complémentaires.

  • Un premier bloc doté de 13,3 milliards d'euros vise à intégrer la recherche européenne, principalement dans sept grands thèmes prioritaires où seront mis en oeuvre les grands réseaux d'excellence et projets intégrés qui formeront la figure de proue de la recherche européenne.

  • Un second bloc doté de 2,6 milliards d'euros vise à structurer l'espace européen de la recherche en renforcant structurellement le réseau d'infrastructures de recherche de l'Union, les opportunités de mobilité des chercheurs, les capacités européennes d'innovation, et les liens entre la science et la société.

  • Le troisième bloc est doté de 330 millions d'euros pour des actions moins coûteuses, mais extrêmement importantes, qui visent à renforcer les bases de l'espace européen de la recherche par des processus de benchmarking des politiques, de cartographie des réseaux d'excellence européen, de prospective technologique, et d'autres actions d'accompagnement.
Les régions ont un rôle crucial à jouer dans chacun de ces blocs d'activités.
  • Dans le bloc "intégrer la recherche communautaire": les autorités régionales ont un rôle important à jouer pour identifier les domaines d'excellence et les sujets porteurs pour leur région. Elles peuvent encourager, voire susciter la formation de partenariats. Les grands projets de recherche se préparent longtemps à l'avance et il est important de s'y prendre dès maintenant.

  • Dans le bloc "structurer l'espace européen de la recherche": Pour bénéficier pleinement des actions de soutien aux infrastructures de recherche, les autorités régionales devraient identifier les infrastructures d'intérêt européen à valoriser dans leur région, ou les infrastrustures hors de leur région dans laquelle elles ont un intérêt;   Pour la mobilité des ressources humaines, il revient à ces autorités régionales d'informer leurs chercheurs sur les opportunités, et d'identifier les centres d'accueil potentiels dans leur région;   Pour le soutien à l'innovation, les autorités régionales peuvent dès maintenant initier une réflexion sur leurs circuits d'innovation régionaux, leurs atouts et leurs besoins;   Pour les aspects de science et société, les régions sont seules à même de déterminer les thèmes qui intéresseront particulièrement leurs citoyens, en fonction de leurs caractéristiques particulières, et les modalités les plus pertinentes pour ancrer le dialogue science-société sur leur territoire.

  • Enfin, dans le bloc "Renforcer les bases de l'espace européen de la recherche", il revient aux régions par exemple d'identifier les "bonnes pratiques" en matière de recherche et d'innovation régionales qu'elles voudraient valoriser; ou encore, de proposer les thèmes et les modalités qui leur bénéficieraient le plus pour des actions de prospective technologique régionale ou inter-régionale.
Conclusion

Comme vous avez pu le constater, la participation active des régions est indispensable au succès de l'espace européen de la recherche, réciproquement, cet espace européen de la recherche est indispensable à la prospérité des régions.

C'est pourquoi je vous lance un appel à travailler ensemble aujourd'hui et au-delà pour nouer des liens durables entre vos régions, et définir ensemble les axes de force de l'Europe de la connaissance. Ces axes de force seront nécessairement inter-régionaux.

Votre conférence sera un grand succès si elle permet d'avancer vers cette indispensable mobilisation des régions et je ne doute pas qu'elle y parviendra.

Je vous remercie de votre attention

DN: SPEECH/02/503 Date: 21/10/2002

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