Commissaire Philippe Busquin: La recherche : une priorité pour l’avenir de l’Europe Conférence « Priorité à la science »

六月 3, 2004

Lisbonne, 31 mai 2004

Monsieur le Président de la République, Mesdames et Messieurs,

C’est un grand plaisir et un honneur pour moi d’être parmi vous aujourd’hui.

Le titre même de cette conférence « Priorité à la science » ne peut que me réjouir : tout au long de mon mandat de commissaire européen responsable de la recherche, je me suis efforcé de faire de la recherche et de la science une priorité européenne. Et je crois être parvenu en effet à faire émerger une véritable politique de la recherche et du développement scientifique. Cela est, j’en suis convaincu, vital pour l’avenir de l’Europe.

L’enjeu 

La place de la science 

Jamais en effet la vie quotidienne des hommes n’a été à ce point influencée par la science et la technique. Les résultats sont à l’aune de cette formidable expansion, d’un point de vue qualitatif tout autant que quantitatif : amélioration du confort général, augmentation de l’espérance de vie moyenne, accès plus aisé aux connaissances.

Tout ceci s’est traduit par une augmentation de la qualité de la vie observée depuis le début du siècle.

Le défi à relever :

Mais ce rôle clé joué par la science dans nos vies représente aussi un défi colossal : car celui qui ne suit pas le rythme de la course à l’innovation prend le risque de ne pas survivre.

De ce point de vue, nous, Européens, sommes à un tournant. Malgré son bon niveau scientifique, incontestable, l’Europe a une croissance plus faible que les Etats-Unis car sa productivité reste plus faible.

Pourquoi ? Nous savons que la productivité est directement liée à la recherche scientifique et à l’innovation. C’est donc l’état de nos connaissances et ce que nous en faisons qui fait la différence entre, notamment, l’Europe et les Etats-Unis sur l’échiquier mondial.

Faire le constat que le seul atout de l’Europe ce sont ses neurones, c’est comprendre que, en effet, priorité doit impérativement être donnée à la recherche et à la science, que ce soit au niveau national ou à l’échelle européenne !

C’est à ce prix seulement que nous serons sur la voie d’atteindre l’objectif fixé en mars 2000 ici même, à Lisbonne, par le Conseil Européen :

«Faire de l’Europe l’économie la plus compétitive et la plus dynamique du monde d’ici 2010 ».

Pourquoi sommes nous à la traîne ?

Car nous le sommes.

Pourtant, me direz-vous, nous pouvons légitimement être fiers de nos chercheurs. Ils sont réputés dans le monde entier et sont très demandés, notamment par les laboratoires américains. Et, contrairement à ce qui se dit parfois, nous avons sur le sol européen plus de jeunes formés à la recherche qu’aux Etats-Unis.

Mais notre « vieille » Europe, dans cette course au progrès scientifique, supporte le poids de trois handicaps structurels importants, sur lesquels nous travaillons et pour lesquels il faut impérativement amplifier nos efforts :

Les moyens financiers de notre recherche 

Je vais reprendre la comparaison avec les Etats-Unis : le fossé entre l’Union européenne et les Etats-Unis pour les investissements R&D n’a cessé de croître depuis le milieu des années 1990 et a atteint 130 milliards d’euros en 2002.

Ce que nous faisons de notre recherche 

Nous avons encore des difficultés à transformer la recherche en innovation, moteur puissant de la productivité et donc de la croissance.

Notre système fragmenté

Cette Europe, au contraire des Etats-Unis, est constitué d’états qui ont chacun leur tradition scientifique, leurs priorités, leur langue, leur politique d’investissement. Les marchés nationaux sont encore trop cloisonnés, nos efforts de recherche trop fragmentés.

Je suis convaincu que tant que nous n’aurons pas constitué un véritable marché européen de la recherche et de l’innovation, nous n’atteindrons pas un seuil de rentabilité satisfaisant de nos investissements en R&D.

La réponse : une politique de la recherche européenne

Les 3%

L’insuffisant investissement en R&D avait amené le conseil européen de Barcelone, en mars 2002, à fixer un objectif plus ambitieux à l’Europe :

« Porter l’investissement total en R&D en Europe à 3% du PIB en 2010, deux tiers devant être financé par le secteur privé ».

Cet objectif reste d’actualité. Une récente étude a permis d’estimer qu’un tel accroissement de l’investissement en R&D permettrait :

  • Jusqu’en 2010 : une relance de l’économie européenne, avec une croissance de l’emploi de 1,4% et un revenu disponible réel de 3% de plus que si l’investissement en R&D continuait d’évoluer suivant la tendance actuelle
  • entre 2010 et 2030, l’Europe entrerait dans une phase de croissance avec une augmentation de 5% pour l’emploi et de 12% du PIB. L’Europe créerait 10 millions d’emplois de plus sur la période dont 3 millions dans la recherche.
Des efforts ont été faits pour accroître l’investissement en R&D au niveau national, mais je regrette de constater que nous sommes encore loin des 3% indispensables. C’est pourtant un fondement essentiel de ce que nous voulons construire.

De nouveaux instruments pour atteindre l’excellence.

Au niveau de la politique européenne de la recherche, la priorité est et reste la réalisation de l’Espace européen de la Recherche : notre ambition est de rassembler les forces vives de la recherche européenne pour en finir avec la fragmentation des efforts de nos chercheurs.

Pour accélerer ce mouvement de structuration, nous avons mis en place de nouveaux instruments dans le cadre du 6ème programme cadre de recherche européen.

Le 11 mai à Bruxelles, nous avons d’ailleurs annoncé le lancement de 200 de ces projets basés sur les nouveaux instruments.

C’est un succès qui nous encourage à croire qu’il s’agit non seulement d’une nécessité politique mais que cela répond aussi à un besoin des équipes de recherche.

Ces nouveaux instruments sont :

  • Les projets intégrés.
  • Les réseaux d’excellence.
2 exemples

GA2LEN : un réseau d’excellence contre les allergies

  • Les phénomènes d’allergie et d’asthme se développent en Europe de manière très préoccupante, et touchent particulièrement les enfants, puisqu’un enfant sur quatre est allergique.
  • Le projet Ga2LEN ne rassemblent pas moins de 25 organisations de recherche, et avec un soutien financier du 6ème programme cadre de 14.4 millions d’euros sur 5 ans, a pour ambition d’intégrer toutes les données des différents organismes de recherche pour les analyser et pour structurer les efforts de recherche.
SEAFOOD PLUS : un projet intégré pour des aliments de la mer plus sains.

  • C’est un projet rassemblant 70 partenaires provenant de 16 pays européens.
  • C’est le plus gros projet de recherche que l’UE a jamais financé dans le secteur des produits de la mer, avec une aide de 14,4 millions d’euros sur 4 ans.
  • Il rassemble chercheurs en nutrition et en médecine, en sécurité alimentaire et en consommation et technologies alimentaires, bref, tous les intervenants depuis la pêche du produit de la mer jusqu’à l’arrivée de ce produit dans l’assiette du consommateur.
Vous le voyez, ces nouveaux instruments du programme cadre permettent de passer à une échelle supérieure de la recherche.

Mais, et j’aborde ici maintenant l’avenir de la recherche, nous devons à présent effectuer un saut qualitatif et quantitatif majeur pour assurer l’avenir.

Les orientations futures de la recherche 

Très bientôt, des orientations pour l’avenir de la recherche européenne seront présentées par la Commission européenne, orientations qui détermineront la préparation du 7ème programme cadre.

Cette réflexion s’inscrit dans un cadre qui nous autorise à concevoir l’avenir avec l’ambition nécessaire puisqu’en février 2004, comme vous le savez, la Commission a proposé pour les années 2006-2013 de doubler le budget alloué par l’Union à la recherche.

L’objectif prioritaire : assurer l’excellence scientifique et technologique de l’Europe .

Nous voulons :

  • donner aux acteurs de la recherche plus d’autonomie
  • stimuler la concurrence entre équipes de recherche,
  • renforcer le lien avec les programmes nationaux
  • mobiliser des volumes importants de financement.
Les détails :

Disposer d’une force de frappe financière

Nous savons bien que le nerf de la guerre, c’est le levier financier sur lequel peuvent s’appuyer nos laboratoires et nos chercheurs. Certes, le budget du programme-cadre n’a cessé de croître.

Mais le coût des équipements et du développement des technologies évolue lui aussi sans cesse dans un sens exponentiel :

  • en 20 ans, le coût de recherche et développement d’un médicament a été multiplié par 5 .
  • celui d’un nouveau composant microélectronique par 10
Nous devons donc réajuster nos investissements en permanence pour y faire face.

C’est la raison pour laquelle, outre le doublement de la dotation réservée à la recherche, il nous faudra imaginer des mécanismes d’ingénierie financière s’appuyant sur les prêts des banques internationales et nationales.

  • 40 milliards d’euros sont prévus par la BEI de 2004 à 2010 pour la recherche.
  • il faudra probablement créer des synergies financières complémentaires, de manière à optimiser les moyens donnés à nos chercheurs.
Six enjeux structurels

Mais le levier financier n’est pas tout, il ne s’agit pas d’investir pour investir. Cet argent doit être injecté dans une recherche dont la structure, les dimensions et les domaines prioritaires sont correctement évalués et organisés.

  • D’abord stimuler la concurrence entre les équipes de recherche. Car pour atteindre l’excellence, rien de tel que l’émulation qui naît de la compétition. La création d’une Agence européenne de la Recherche devrait rassembler d’importants scientifiques qui pourront étudier les diverses propositions de recherche fondamentale en compétition.
  • Ensuite dégager des perspectives de recherche partagée par les acteurs publics et privés.
  • Développer les infrastructures de recherche, de dimension ou d’intérêt européen.
  • Autre enjeu structurel, renforcer les ressources humaines :
Je suis convaincu que le facteur humain est un facteur clé que nous ne devons surtout pas sous-estimer.

  • Avec mon ami ici présent le professeur Gago, j’ai d’ailleurs créé en mai 2003 un groupe de réflexion sur ce thème afin d’étudier comment assurer le renouvellement des générations de chercheurs. Ce groupe a présenté ses recommandations en avril 2004, qui vont tout à fait dans le sens d’une plus grande prise en compte de cet aspect au niveau national comme au niveau européen, que ce soit pour améliorer l’éducation scientifique à l’école ou pour rendre plus attractives les carrières scientifiques aux étudiants.
  • Par ailleurs, j’ai présenté au Conseil Compétitivité le 18 mai un projet de directive visant à faciliter l’admission des ressortissants de pays tiers aux fins de recherche scientifique dans l’Union européenne. Car il ne s’agit pas seulement de former d’excellents scientifiques européens mais aussi d’attirer les meilleurs chercheurs du monde dans nos laboratoires.
  • Nous devons aussi poursuivre dans les sens de la collaboration transnationale entre entreprises, laboratoires et centres de recherche.
  • Enfin, pour réaliser l’Espace européen de la Recherche, il faudra renforcer la coordination des programmes nationaux et régionaux.
A ces enjeux structurels pour l’avenir, j’aimerais ajouter enfin quatre dimensions clés qui doivent être intégrés dans les orientations pour le futur.

  • Accroître le rayonnement scientifique international de l’Europe.
Les exemples du rôle joué par nos chercheurs dans le domaine de la fusion nucléaire et le projet international ITER, les réalisations de l’Europe spatiale, et les projets d’envergure comme GALILEO sont autant d’exemples de ce qui est possible lorsqu’une volonté politique en ce sens se concrétise.

  • Stimuler la recherche par et pour les PME, qui sont, on le répète depuis des années, des créatrices d’emplois.
  • Encourager l’innovation technologique.
Pour cela, il faut encourager la diffusion et le transfert des connaissances scientifiques dans l’industrie, dans les régions.

  • Intégrer davantage la recherche dans la société.
Les débats très médiatisés de ces dernières années l’ont bien montré : le progrès scientifique peut faire peur, être mal compris, susciter des réactions de rejet de la part de la société. Il est donc essentiel d’agir pour répondre à cette demande d’information et de dialogue sur les risques pouvant provenir de la science.

En conclusion :

Je reviens ici au titre de cette conférence « Priorité à la science ». Je sais que nous sommes ici nombreux à être convaincus par cette priorité.

Mais laissez moi rappeler néanmoins comme j’ai la profonde conviction que nous ne réussirons que si nous nous mobilisons tous pour que la stratégie ambitieuse en faveur de l’investissement dans la recherche réussisse et produise les bénéfices attendus. Tous, c’est-à-dire pouvoirs publics et chercheurs, mais aussi acteurs privés et relais d’information.

Je vous remercie, Monsieur le Président de la République, Mesdames et Messieurs, pour votre attention.

Item source: SPEECH/04/280 Date: 31/05/2004 =>=>

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